Chapitre 2

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Nakirée surgit du puits de circulation qui reliait la tour de surveillance au reste du Sanctuaire. Ses grandes ailes couvertes d’yeux se déployèrent pour planer et le grand chérubin atterrit sur la vaste plateforme d’accueil. 

Pressé, Nakirée marcha d’un pas rapide vers l’entrée principale de la tour. Les milliers de chérubins qui circulaient ou patientaient dans ce grand hall se retournèrent sur son passage. Nakirée était impossible à ignorer. El dépassait d’au moins une tête le reste des élohim et était vêtu d’un long manteau bleu-nuit couvert de saphirs, bien plus luxueux que les traditionnels uniformes des chérubins. Miel avait fait en sorte de bien habiller son nouveau favori. Soucieux de plaire à son amant, Nakirée laissait ses longs cheveux noirs cascader librement sur ses larges épaules et agrémentait les flammes bleues de son halo par des paillettes roses.  

Nakirée se présenta devant le comptoir d’accueil, où de petites vertus travaillaient. L’une d’elle leva les yeux et sourit. Son regard fuyant trahit cependant une gêne.

— Chérubin Interrac… 

— Nakirée. 

— Vous avez un rendez-vous ?  

— Mon expertise a été demandée par mon fils Hémoée. El est apprenti dans la salle de contrôle.  

La vertu baissa les yeux sur une tablette de cristal.  

— Vous n’avez pas les accréditations nécessaires pour entrer ici.

— Je dois rencontrer Luisiel aujourd’hui même, expliqua l’interracs. El me donnera les accréditations très bientôt. En attendant, je pense que la situation actuelle se prête à quelques… écarts du protocole.  

La vertu de l’accueil ne put masquer sa mine craintive. El soupira doucement et son halo de métal scintilla alors qu’el parcourait le réseau EL à la recherche d’informations. El pianota quelques mots sur sa tablette. C’est alors que la voix d’Hémoée résonna depuis les hauteurs.  

— Cinza ! Laisse-le passer, c’est mon père.  

Nakirée leva ses nombreux regards. Un des yeux sur son visage adressa un clin d’œil à la vertu. Cette dernière finit par lui tendre un badge lumineux. 

— Ne faites rien qui me ferait regretter ce geste, interracs, dit-elle.  

Nakirée acquiesça et décolla.  

Les tours de surveillance avaient toujours été des havres de paix pour Nakirée. L’interracs avait officié dans beaucoup d’entre elles à Éden. À l’intérieur, les élohim tenaient leurs langues et atténuaient la lumière de leurs halos, afin de ne pas perturber les appareils de détection. La moquette qui recouvrait les salles du sol au plafond absorbait tous les sons parasites, permettant aux chérubins en poste de travailler dans le calme et la concentration. Ces précautions étaient fort-nécessaires. Les informations reçues des ophanim-satellites ou des ophanim-sondes qui voyageaient dans le cosmos étaient bien assez bruyantes, denses d’images et de sons. Les petits éclaireurs captaient tant de choses dans les étendues infinies de la Création. 

Mais ce soir, les ophanim du cosmos étaient silencieux, absents. Même leur haut-command'aile Soniquel, avait disparu.

Dans la tour de surveillance principale de Sicad, des voix affolées s’écriaient. Le plateau circulaire situé à son sommet hébergeait des milliers de machines de cristal qui bipaient et vibraient. Les chérubins qui les opéraient pestaient leurs complaintes à peine atténuées par la moquette anti-bruit qui tapissait le sol. Bonk ! Paf ! Crick ! Leur agitation se traduisait par leurs coups de sabots ou de griffes contre les machines, comme si les abimer arrangerait la situation. Ceux qui arboraient des pinces insectoïdes ou crustacées saisissaient les câbles de lumière et les secouaient, pour vérifier qu’ils étaient bien connectés peut-être. Beaucoup d’entre eux courraient de poste en poste, surtout les chérubins-centaures, qui galopaient pour calmer leurs nerfs. Nakirée observa aussi des dizaines de techniciens déployer leurs ailes, pour que les yeux qui parsemaient leur plumage puissent voir toute l’étendue de la grande salle circulaire. Certains décollaient pour monter sur le toit et aller voir les paraboles.  

— Toutes les communications au-delà de Sicad sont coupées, expliqua Hémoée. On ne capte plus rien, ni le réseau EL, ni nos ophanim. C’est le black-out. Et une rumeur court que c’est parce qu’une horde approche… 

Nakirée ne répondit pas. L’agitation violente de ces techniciens télécom trahissait un certain manque de professionnalisme. Mais elle était légitime. Inévitablement, le commandement les avait mis au courant pour la horde, puisque leur mission était de surveiller le cosmos. La panique les gagnait. Les cœurs de Nakirée se serrèrent pour son fils, apprenti ici.  

— Je suis désolé de t’avoir appelé, dit Hémoée face au silence de son père. Je sais que ta présence est un sujet sensible. 

— Il est hors de question que je te laisse seul face à cette situation, Hémoée. Et puis je ne me suis pas fait arrêter dès l’entrée, plaisanta Nakirée pour détendre son fils. C’est déjà ça. 

— Els n’iraient pas jusque-là. Tu es un Interracs, pas un démon. 

— Pour les sicadiens, ça ne fait pas une grande différence.  

— Els ne cracheront plus sur tes savoirs une fois que tu les auras tirés de ce black-out.  

— Tu as raison. Allons voir ce qui cloche, sourit Nakirée. Cela sera une belle occasion de travailler ensemble. 

Hémoée conduisit son père devant la table stratégique qui trônait au milieu de la salle de surveillance. Des centaines de chérubins se pressaient autour de son hologramme bleuté, qui n’affichait rien. La sphère du cosmos était vide et silencieuse. Seuls apparaissaient les soleils de Sicad, ses lunes. Au-delà, pas le moindre signal.  

— Même les ophanim satellites ont disparu de notre réseau, dit Hémoée. C’est très étrange. Les autres m’ont dit que lors des passages des hordes, on reçoit quelques signaux pourtant. Mais là rien, rien, rien du tout.  

Quelques chérubins se tournèrent vers Nakirée et grognèrent. L’Interracs les ignora et s’adressa à son fils.  

— Que doit-on vérifier dans ces circonstances mon fils ?  

— Je pense que nous devrions vérifier l’état de nos capteurs et de nos interpréteurs de données, dit le jeune chérubin. Une coupure si totale pourrait être liée à un dysfonctionnement global de nos outils. Une malédiction pourrait s’être réveillée dans un de nos cristaux les plus importants.  

Nakirée approuva et laissa Hémoée le conduire vers une des nombreuses machines de cristal du plateau. C’est alors qu’une puissance tout en armure, sortie de nulle part, barra la route du père et du fils.  

— Interracs. 

Nakirée s’immobilisa.  

— Veuillez me suivre, ordonna la puissance, arborant une énorme lance de lumière crépitante.  

— Non ! s’énerva soudain Hémoée. Rodiel ! C’est mon père ! El a le droit d’être là. Dites à Luisiel de venir el-même si el veut le chasser de là dans de telles circonstances ! 

— Vous êtes réquisitionné à la tour Opposée, dit alors la puissance à Nakirée. Hémoée, tu peux suivre ton père si ça te chante, mais el doit partir, maintenant.  

— Qui me réquisitionne exactement ? demanda Nakirée.  

— Le command’aile Kémirée, dit le soldat Rodiel. El vous attend à la tour Opposée.  

Nakirée fronça des sourcils. Kémirée était le seul command'aile chérubin qui avait accepté son expertise Interracs parmi ses chorales. Chef des télécommunications, el avait il y a quelques années laissé Nakirée perfectionner ses machines. Suite à cette collaboration cordiale, el avait en guise de remerciements offert un poste d’apprenti à Hémoée dans sa chorale. Renchérissant, Nakirée lui avait offert un droit de réquisition sur el-même, dans la tradition Interracs.  

— Que fait-el à la tour Opposée ? demanda Nakirée. El devrait être ici.  

— Ce sera à el de vous l’expliquer, dit Rodiel en haussant des épaules. Mais peu importe, vous devez honorer votre engagement.  

— Très bien. Je vous suis.  

Hémoée emboita le pas de son père. Mais Nakirée se retourna et ordonna à son fils de rester au Sanctuaire.  

— Tu seras bien plus en sécurité ici qu’à Opposée, expliqua l’Interracs. Opposée est un avant-poste très isolé et face à… c’est dangereux.  

Hémoée secoua la tête, les yeux humides.

— J’ai besoin de toi ici, Hémoée. Je veux que tu restes connecté avec moi dans le réseau EL et que tu m’informe en direct de ce qu’il se passe ici. Tu comprends ?  

Hémoée acquiesça. Nakirée sourit. Le fils bondit dans les bras de son père.  

— La horde ne nous tuera pas, hein ? Elle ne passera pas ? demanda le jeune éloha. Promets-moi que tu seras de retour pour la fête du millénaire.  

— Tout ira bien Hémoée, c’est promis.  

Hémoée accompagna son père jusqu’à la sortie de la tour. Après une dernière embrassade, Nakirée décolla avec une escorte de puissances en direction du célestoport.

Nakirée arriva à la tour Opposée à midi. Plantée au milieu d’un désert brûlant, la tour ondoyait sur l’horizon. Pour ne rien perturber, Nakirée et son escorte arrivèrent via des routes souterraines avant de monter au dernier étage. La plateforme de surveillance Opposée était toute aussi chaotique que celle de Sicad. Mais le command'aile Kémirée accueilli Nakirée avec sang-froid. Aussi large et grand que son invité, el toisa les beaux habits de Nakirée avec un éclat d’amusement dans ses centaines d’yeux. D’une voix grondante et un peu bougonne, el expliqua : 

— Nous avons appliqué tous les protocoles que nous connaissons pour calibrer nos machines, en vain. On capte plus rien. Du coup on vous a préparé un poste pour votre étude… On va vous laisser faire tout ce que vous jugez bon. 

— Restez dans les parages, répondit Nakirée. J’aurai besoin de votre assistance et peut-être trouverons-nous de quoi apprendre.

— C’est la horde qui fait ça, n’est-ce pas ? Souffla soudain un des chérubins présents. Leurs ténèbres bloquent les signaux ? 

Probablement, voulu répondre Nakirée. Mais l’Interracs ne pouvait pas faire paniquer ces élohim en donnant un diagnostic prématuré.  

— Une horde qui passe ne peut pas couper TOUTES les comms spatiales ! s'agaça le command'aile Kémirée avant d’alpaguer Nakirée. N'est-ce pas, Interracs ?  

Nakirée acquiesça. Mais l'inquiétude régnait encore dans les regards des chérubins.  

— Nous devons prier, décida alors Nakirée.  

Les chérubins télécom lui lancèrent des regards pleins de doute. Même Kémirée leva un sourcil circonspect.   

— Je suis un Interracs, étranger et inconnu, je le sais. Mais je suis un chérubin avant tout, rappela Nakirée. Je prie notre ancêtre le Psychopompe comme vous le faites aussi, pour lui demander aide et bénédiction. Prions donc ensemble. 

Tous les chérubins présents interrompirent leurs travaux agités pour se réunir. Les flammes bleues de leurs halos ne formèrent plus qu'un seul brasier. Guidés par Nakirée, els prièrent :  

"Psychopompe, fils d'EL 

Maitre des savoirs et de la sagesse 

Nous te demandons de renforcer la Clairvoyance que tu nous as donnée 

Pour déceler les failles de nos machines de cristal et pour les réparer 

Comme à l'ouverture de l'Abysse, où tu as gardé espoir 

Renforce nos cœurs par ta sagesse face à la nuit tombante 

Tes yeux scrutateurs percevront chaque faille, 

Par nos corps de chimères nous les rectifierons" 

— Allez ! Au travail ! rugit Kémirée à la fin de la prière. 

Ainsi lancé, Nakirée s’installa devant une sphère de cristal translucide d’un mètre de diamètre qui lévitait. Il s’agissait d’un sphéro-terpréteur, qui servait à interpréter les données reçues des ophanim depuis l’espace. En son centre, une aiguille perçait cette sphère de part en part, y glissant un fil de lumière solide qui serpentait sur le sol puis remontait sur le mur, pour relier l’engin à l’immense parabole qui couronnait la tour. Nakirée pria pour que cette fleur de cristal capte enfin quelque chose.  

Euthanatos, que tes savoirs Interracs me guident.  

Nakirée leva sa grande main et dans un embrasement bleuté, invoqua ses grimoires de cristal, énormes bases de savoirs aux secrets technologiques si complexes qu’els étaient réservés aux élus des Interracs. Seul un esprit spécialement formé pour appréhender ces informations pouvait comprendre, adapter, appliquer les protocoles cachés dedans. Ainsi, l’Interracs passa des heures entre le sphéro-terpréteur et la parabole de la tour Opposée, cherchant la cause de la panne globale. El balança tout d’abord un encensoir de fumée pour corriger les dysfonctionnements éventuels des engins impliqués dans la détection. Les minuscules paillettes de cristal contenues dans cette brume s’infiltrèrent dans tous les mécanismes cristallins pour réparer n’importe quelle pièce abimée, ou le cas échéant, signaler la présence d’une malédiction.  

Ainsi, Nakirée détecta et corrigea de nombreuses anomalies. Ces dernières étaient nombreuses malgré les interventions de Nakirée il y a quelques années. Mais l'Interracs se concentra. El posta les chérubins présents à divers endroits du système, pour qu’els surveillent en permanence les effets de ses traitements. Mais malgré les correctifs appliqués, cela n'aida pas. La sphère, ou la parabole, ne captaient toujours rien. Alors Nakirée uni la lumière de son halo à celles des machines et entra el-même dans leur système intérieur, en quête d’un bug dans leurs codes, d’une erreur de réglage quelconque. El utilisa ses yeux intérieurs, bien plus nombreux encore que ceux qui parsemaient son corps et ses ailes. Ces regards étaient ceux de sa conscience, porteuse du pouvoir de Clairvoyance. Ainsi, Nakirée vit tout. Le réseau cristallin de Sicad se déploya dans son entièreté sous ses regards, dépassant largement les machines de la tour Opposée. Les grimoires de Nakirée le guidèrent en lui évoquant tous les cas où une telle panne était survenue, dans l’infinité des systèmes élohiens, et comment elle avait été résolue. Nakirée appliqua encore des correctifs, en vain. Tout du long, el resta en contact avec Hémoée.

— Père ! Je peux voir ton halo dans toutes les machines ! s'exclama le jeune chérubin, ébloui. 

Nakirée ne put répondre, ni ressentir un quelconque bonheur à entendre son fils. Car à présent el ne faisait plus qu'un avec le réseau, uni à la lumière qui parcourait et reliait toutes les machines de Sicad. Ainsi, l'Interracs ne vit toujours rien et comprit.

Si on ne capte rien, c’est parce qu’il n’y a rien à capter. La horde de ténèbres doit être très proche…

Nakirée sortit d'un seul coup du système et lutta quelques instants contre le tournis. Non, non, un black-out d’une telle ampleur ne peut survenir ainsi. Kémirée avait eu raison tout à l’heure. Les hordes ne pouvaient bloquer TOUS les signaux. Dans le réseau, le command'aile Kémirée réfléchissait avec ses lieutenants. El avait gentiment laissé ses échanges ouverts à Nakirée : 

— Les soleils gardent une luminosité normale, donc pas de ténèbres de ce côté-là. 

— Oui, une horde suffisamment proche pour causer ce black-out les aurait forcément occultés. 

— Ce n’est pas la horde. Ce n’est pas une malédiction dans les machines ou le réseau. Donc c’est quoi ? C’est quoi ce bordel ?  

Nakirée essaya de trouver une troisième hypothèse à tester, mais se retrouva bien peu inspiré. El ne pouvait cependant renoncer. Un ophana-patrouilleur finirait par revenir Les ophanim étaient si nombreux, els ne pouvaient pas avoir été tous avalés par les ténèbres. Els étaient silencieux, certes, mais entendaient-els les communications venues de Sicad ?  

Alors Nakirée entra de nouveau dans le réseau des machines, cette fois pour envoyer un message de rappel vers les ophanim. El augmenta encore la portée des émetteurs et de la parabole, poussant leurs capacités techniques au dernier degré. El lança une ultime recherche, rendue longue par son ampleur et sa complexité. Tous les chérubins restèrent suspendus au temps de chargement.  

— Oh par EL, gronda Kémirée.

Nakirée se retira des machines. La confusion frappa fort son esprit. Ses regards s’évadèrent par la baie vitrée en face d’el. El vit alors l’horizon montagneux qui dominait la grande étendue désertique au milieu de laquelle la tour de surveillance avait été plantée. Les soleils de Sicad se couchaient paisiblement sur les monts. Leur lumière rougeoyante colorait le ciel de rose et d’orange, semblant presque enflammer le firmament. Sur la plaine désertique, Nakirée vit des milliers de halos mauves s’élever. Les anges s’envolaient pour le Sanctuaire, laissant les créatures qu’els gardaient pour la nuit. Mais pas d’inquiétude, la relève ne tarderait pas. L’envol des lucioles mauves, sur le fond du crépuscule, enveloppa la planète de féérie. 

Seul Nakirée contemplait ainsi le crépuscule. Les autres chérubins s’agitaient soudain devant la baie vitrée ouest.  

— Hé les gars, venez-voir derrière. Les étoiles ont disparu ! 

— Hein ? 

— Venez voir ! 

Tout le monde se leva, même Nakirée, pour aller observer la nuit tombante. A l’opposé du crépuscule, une sombreur étrange couvrait peu à peu le firmament. C’était une nuit noire, privée des étoiles qui apparaissaient d’habitude au couchant.  

— Par EL, c'est quoi ce truc… 

— Les ténèbres ! Les ténèbres ! paniquèrent les chérubins, qui coururent et volèrent sans savoir où aller.   

Bip ! Bip ! Bip ! 

Le son de la machine tira Nakirée de sa contemplation horrifique. Le sphère-terpréteur se gonfla d’une intense lumière bleue. Nakirée s’apprêta à lire sa surface, où allaient s’afficher l’emplacement des ophanim et des astres du cosmos, gravés en fins reliefs dans le cristal. Mais quand le chargement se termina, la sphère resta lisse, vide. Bien sûr. Nakirée se tourna vers la table stratégique qui trônait au centre de la salle de surveillance. Kémirée n’y était plus. Les quelques chérubins qui n'étaient pas devant la baie vitrée pour observer la nuit sans étoiles étaient penchés dessus. Leurs halos de flammes bleues gonflaient sous leurs émotions agitées. Nakirée s’avança vers eux et depuis la table, transmit ses conclusions à tous les chérubins de la tour Opposée. 

— Chérubins, j’ai longuement travaillé sur les machines de la tour et je dois vous annoncer qu’aucun dysfonctionnement ne les touche. Cependant, nous ne captons toujours rien.  

Les milliers d’élohim présents dans la tour poussèrent des soupirs et des grognements graves. 

— As-tu perdu la tête Interracs !? s’agaça un des chérubins, un centaure ailé. Ce que tu dis est absurde ! Les machines marchent mais nous ne captons rien ?  En quoi marchent-elles si nous ne captons rien ?! 

Nakirée chercha Kémirée de ses nombreux regards, sans le trouver. Un autre chérubin, qui arborait des grosses pinces de crustacé, s’approcha du bureau qui bordait le sphéro-terpréteur. El saisit les grimoires de cristal de Nakirée, où toutes ses connaissances au sujet des machines de détection étaient réunies, et se mit à les secouer. 

— Si je lis tes grimoires, peut-être pourrai-je faire un meilleur travail que toi !

— Stop ! gronda Nakirée. Ces grimoires sont sacrés. Seuls ceux oins par les Interracs peuvent les consulter. Ton esprit éclatera en morceau face à la complexité des secrets préservés là-dedans.  

— Tu as trop lu ces textes secrets alors ! Ton propre esprit ne fonctionne plus !  

— Nous ne captons rien car il n’y a rien à capter ! s’emporta soudain un autre chérubin. Regardez donc la nuit ! Les étoiles et les astres ont disparu ! 

Les chérubins s’agitèrent encore plus. Nakirée s’immobilisa. Si la panique gagnait les élohim, les choses n’en seraient que plus difficiles à gérer.  

— Qu’EL nous vienne en aide, prièrent certains chérubins. La horde… la horde approche… 

— Non, la horde ne peut pas tout bloquer comme ça ! protestèrent d’autres.  

— Comment peut-elle masquer toutes les étoiles du ciel ?! 

Les chérubins commencèrent à se disputer devant un Nakirée démuni.  

— Par EL papa, qu’allons-nous faire ? finit par gémir Hémoée, toujours connecté depuis le Sanctuaire. Nous avons vu ce que tu as vu. Tout le monde s'agite et le commandement ne dit plus rien !

— Il nous faut continuer de chercher un ophana, lui répondit Nakirée. L’un d’eux finira forcément par revenir. 

C’est alors que deux vertus entrèrent dans la salle de surveillance. Revêtues de leurs tailleurs bleu marine, les cheveux en chignon sous leur halo de bronze, els tissèrent entre leurs doigts des filets de lumière et les tendirent vers les chérubins. Ces derniers laissèrent ces filets toucher leurs halos, pour capter les ondes bleues apaisantes formées par les doigts agiles des vertus. 

— Le command'aile Kémirée ordonne à tous les élohim présents de se réunir dans la grande salle de conférence. 

Nous y sommes, comprit Nakirée.



La lumière bleue de tous les halos des chérubins s’agitèrent malgré les thaumaturgies apaisantes des vertus. Nakirée porta son attention sur le réseau EL. Cet internet télépathique lui permit de voir tous les halos des élohim à proximité. El vit le grand halo de Kémirée pulser sous lui, depuis un étage inférieur de la tour. El appelait bel et bien ses ouailles à venir l’écouter, et avait préalablement dépêché ses vertus pour toutes les calmer. Ça sent pas bon…

Les chérubins obéirent et descendirent dans la salle de conférence de la tour. Très éclairée, elle avait été aménagée en fosse, face à une estrade en hauteur. Alors que les centaines d’élohim qui travaillaient dans la tour de surveillance s’installaient, le chérubin Kémirée entra en scène. Grand et large d’épaules, el portrait un long manteau gris sur son uniforme de chérubin. El arborait sur ses manches et dans son dos, entre ses ailes, le symbole du royaume de Malkouth, un cercle croisé. Ses bras étaient évidemment nus, laissant aux yeux éparpillés dessus la liberté de regarder dans toutes les directions. Kémirée portrait aussi deux bras supplémentaires, fais de cristal doré, qu’el arborait fièrement. Ses plus proches collaborateurs, debout au premier rang, arboraient els aussi ces membres de cristal. 

Kémirée attendit que toutes ses troupes de chérubins télécom soient présentes dans la salle pour commencer ses annonces. Nakirée l'observa intensément et sourit en voyant son halo de flammes bleues scintiller. Le command'aile appliquait les rituels Interracs enseignés par Nakirée pour maîtriser sa voix et sa posture, assurer une communication convaincante. De sa voix claire et portante, el s’exprima. 

— Chérubins de Sicad ! Comme vous l’avez constaté, nous sommes en black-out depuis ce matin. Nous ne recevons plus les signaux de nos ophanim partis dans le cosmos, ni les signaux des mondes voisins. Nous avons d’abord pensé que nos machines-cristaux dysfonctionnaient. Mais après des heures de labeur, un autre verdict s’impose : nos machines fonctionnent. La cause du black-out ne vient pas de nous. Il suffit de lever les yeux vers la nuit : les étoiles ont disparu.

Un murmure horrifié parcouru le public.

— C’est la horde, dit Kémirée sans flancher. La horde Léviathan, qui cause ce black-out. Le passage des démons, enveloppés de leurs ténèbres, absorbe et masque tous les signaux venus du cosmos. 

Le brouhaha submergea alors la voix pourtant puissante du command'aile, qui venait de trancher le débat bien abruptement. “La horde ne peut pas tout bloquer comme ça !” s’écria  encore une partie des chérubins. Alors Kémirée leva ses quatre bras et les agita doucement, en signe d’apaisement. El afficha un sourire serein, qui calma vite les élohim. 

— N’ayez crainte, élohim, n’ayez crainte. Cette horde est un peu particulière. Ses ténèbres sont très épais et sa sphère d’influence est donc large. 

Des ténèbres épais ? Nakirée fronça les sourcils. 

— Mais rassurez-vous, reprit Kémirée. La horde ne se dirige pas vers nous. Elle ne fait que passer. Comme nous l’avaient annoncé les autorités d’Éden, sa cible véritable est Oméga, le système le plus développé de notre amas stellaire. C'est le Grand Malin qui la pousse à réserver ses abominations pour le plus grand des festins. Ainsi sont les hordes titanesques.

C'est pas faux, pensa Nakirée. Les démons n'étaient plus des bêtes insensées comme à l'époque du Haut-Tikkun. Depuis la Seconde Brisure, l'Abysse les avait dotés d'une intelligence maléfique et formé ainsi les terribles hordes titanesques qui terrassaient les élohim millénaires après millénaires. Si horriblement puissantes, elles parvenaient jusqu'aux mondes de Malkouth.  

— Le malheur d'Oméga est notre chance ! clama Kémirée. Par la grâce d’EL, les démons n’attaqueront pas notre belle Sicad !

Des applaudissements hésitants retentirent. Les élohim se regardèrent, cherchant sur le visage des autres des sourires francs, le confort de la sécurité. La tension remonta, finissant par devenir palpable. Nakirée, discret, la sentit si fortement qu’el ne pu se retenir. 

— Command'aile ! appela-t-el.

Tous les élohim présents se tournèrent vers l’Interracs. Lorsqu’els virent ses lèvres s’animer, els firent presque silence, intrigués. 

— Nous sommes en black-out depuis ce matin, répéta Nakirée. Les ophanim de Sicad ou d’ailleurs ne nous ont pas transmis d’informations sur la progression de la horde. Donc comment peut-on affirmer qu’elle ne se dirige pas vers nous à présent ? 

— J’ai consulté le haut-commandement, expliqua Kémirée. Els ne m’ont pas donné leur source mais els m’ont confirmé l’exactitude de la situation. Les démons ne nous approchent pas et ne nous approcheront pas. 

Mais la tour du Sanctuaire ne captait rien non plus. Hémoée était formel. Comment le haut-commandement pouvait-el savoir cela ? Conscients de cette incohérence, les chérubins s’agitèrent encore. Sur les côtés, les vertus veillaient, prêtes à lancer leurs thaumaturgies calmantes si nécessaire. La peur de Nakirée grandit. 

— Le haut-command'aile Soniquel a été retrouvé ? demanda alors un chérubin dans la foule. 

— Ses ophanim sont rentrés ? demanda un autre. 

— On a des nouvelles de Rhéa ? D'Éden ? D'Oméga ?

Le halo de Kémirée vacilla. Mais el ne perdit pas la face. 

— Je n'ai pas les détails, dit-el. Mais j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer, chers élohim ! Votre garde prend fin maintenant ! Vous pouvez retourner au Sanctuaire et vous préparer pour la fête du Nouvel An !

Tous les yeux de Nakirée s’écarquillèrent. Une clameur surprise traversa le public. Les proches de Kémirée se mirent à applaudir et à pousser des cris de joie. Les autres élohim finirent par les imiter. De nouvelles paroles traversèrent le réseau EL :

— Si la situation était grave, els ne nous permettraient pas d’aller à la fête ! 

— Ayons confiance en notre haut-commandement !

— Enfin de quoi nous réjouir !

Sonné, Nakirée laissa la foule voler autour de lui vers la sortie de la salle de conférence. Kémirée quitta lui aussi l’endroit, via les coulisses de la scène où el s’était perché. En le voyant disparaitre, Nakirée se mit à courir vers l’estrade. El déploya ses ailes et en un bon, atterrit sur la scène.

— Kémirée ! appela-t-el, ajoutant à ses paroles un contact télépathique via le réseau EL. 

Le halo du command'aile était juste là, dans les coulisses. El s’arrêta, se retourna.

— Interracs…

Le chérubin archéo-tech se figea en voyant la mine décomposée du command'aile. 

— Suivez-moi, ordonna ce dernier. Il faut qu’on parle.



Miel se précipita dans le Sanctuaire, remontant la tour centrale comme une étoile filante. El entra dans le puits des âmes, où des milliers de principautés du jugement guidaient les créatures défuntes vers le sommet. Les principautés chantaient et dansaient, rassurant les âmes confuses, leur expliquant les épreuves à venir. Là-haut, elles seraient propulsées vers le firmament, envoyée vers les Cieux pour commencer leur chemin vers EL.

Du moins, une fois que la horde serait passée. 

Miel se posa sur une des passerelles qui entouraient le sommet du Sanctuaire. Là, le puits central s’ouvrait sur le ciel. Mais aujourd'hui, l’embouchure était close, conformément aux ordres de Miel. Des valves de cristal retenaient les âmes dans le Sanctuaire, les abritant sous leurs dômes immenses. Les petites bulles de lumières s’agglutinaient sous le plafond. 

Sous ce spectacle, un ange était assis sur le rebord de la passerelle, occupé à manger un sandwich à la crème d’ambroisie. Miel l’approcha, tout essoufflé. 

— Je les ai vus, je les ai vus…

L’ange lui adressa un regard las. El était Galia, ange de la nature, plus précisément de l’école Caelis, celle des airs, de l’atmosphère et de la météo, manipulant l’écosystème aérien de Sicad pour y guider la vie. El mangeait là, seul, comme souvent. Les Caeliens, hauts-perchés, ne se mélangeaient que rarement aux autres anges de la nature. Mais Galia était particulièrement solitaire. 

— J’ai vu Tsekali et Nukvah, souffla Miel, extatique. Les destructeurs de mondes. Burrhus ne nous a pas menti. Els sont là !

Galia resta de marbre, leva les yeux vers les hauteurs puis dit :

— Je suis fils de Saint Hélia, créateur de mondes. Je n’ai pas de quoi me réjouir de votre plan.

La joie disparu du visage de Miel. Le command’aile des anges s’immobilisa, agacé.

— “Votre” plan ? Tu fais partie de ce plan, Galia. Pourquoi vous les Caeliens vous croyez toujours mieux que les autres ?

Galia posa son sandwich. 

— Je suis mieux que les autres, affirma-t-el.

— Mieux que Pomiel et ses larbins, s’amusa Miel. Tu n’en serai pas venu à ce point sinon…

— Mes anges des airs ont amené la bénédiction des sables à nos amis en orbite. 

— Oui, je sais, merci. Nakirée m’a prévenu. Les anges de Psioni se sont dépassés…

— Je ne veux pas savoir, coupa Galia. 

— Hein ?

— Vous les anges des sables me donnez la chair de poule. 

— Tu pâlis devant notre puissance, ange de la nature ? jubila Miel.

— Votre capacité à manipuler les esprits m’effraie…

— C’est pour leur bien ! Sans nous les créatures ne seraient encore que des amibes vautrées dans la boue primordiale. 

Là où les anges de la nature manipulaient l’environnement des âmes pour façonner leur inconscient et leur destin, les anges des sables manipulaient directement les esprits, forgeant les inconscients pour faire grandir le conscient. 

— Je ne parle pas des créatures, dit Galia. Je parle de votre capacité à utiliser vos pouvoirs sur les élohim. Je me demande si…

— Si ?

— Si tu ne les utilisera pas contre moi.

Miel sourit. 

— Je n’utiliserais pas le mot “contre”. J’agis dans tes intérêts. De toute façon il est trop tard pour les scrupules Galia. Burrhus a déjà commencé le travail depuis bien longtemps.

— J’ai peur, Miel.

— Peur de quoi ?

— D’où tu es prêt à aller pour obtenir ta vengeance. 

— Ce n’est pas vengeance, c’est justice ! 

Miel leva les yeux et observa le ciel bleu au travers des valves de cristal. 

— Tu te souviens de ce jour ? 

— Il faisait beau, se rappela Galia. Et le ciel était silencieux. Jusqu’à…

Miel, el, se souvenait de la peur qui lui avait tordu le ventre ce jour-là, il y a quatre millénaires. El était ici-même, au sommet du Sanctuaire, discutant avec Galia. Le ciel était silencieux en effet. Il l’avait été des millénaires durant, depuis le début de la Seconde Brisure. Les démons s’étaient abattus sur Sicad, avaient tout dévoré, puis étaient repartis. Sicad s’était reconstruite peu à peu, sous la garde de quelques dizaines de milliers d’élohim. Sicad avait été coupée du reste de la Création. Aucun signal ne venait du cosmos. Des nuées de ténèbres entouraient la planète. Les nuits étaient sans étoiles. 

Puis ce jour-là, après quatre millénaires de silence, Luisiel, le command’aile des chérubins, avait débarqué en panique au sommet du Sanctuaire. 

— Miel ! Mon prince ! s’était écrié Luisiel. Nous avons détecté un signal en provenance du cosmos ! Une flotte ! Une flotte entière se dirige vers nous ! 

— Quoi ? 

— Nos éclaireurs l’ont vue !

— De… de quel camp sont-els ? AZ… ou EL ?

— EL… La flotte émet la lumière de Sandalphon le Primogène et du Grand Architecte… Ce n’est pas une flotte militaire. Sa composition ressemble à celle d’une flotte expéditionnaire. Je pense qu’els viennent en paix. 

— En paix ? Qu’est-ce que la “paix” pour des éléites ? avait craché Miel. On a combien de temps ?

— Six à huit heures.

— Réunissez tout le monde au Sanctuaire, vite…

— Miel…

— Il faut que j’ailles voir mon père…

Miel s’était précipité auprès de son père, Wolsiel, roi de Sicad. Ce dernier régnait sur la planète depuis l’aube du Tikkun, autrement dit, depuis les premiers millénaires de la Création. Mais lors de la guerre, el avait été fatalement blessé. Depuis, el demeurait en stase dans un lit-œuf, survivant à peine, plongé dans un coma dont el n’était pas sorti depuis bien trop longtemps. 

— Réveillez-le ! avait ordonné Miel. Vite !

Les vertus médecins avaient essayé, en vain. 

— Le seigneur Wolsiel ne parvient pas à sortir de stase...

— Père ! Je t’en prie, réveille-toi ! Les éléites sont là ! 

— Soumets… soumets-toi… avait fini par murmurer Wolsiel. 

Miel avait secoué la tête.

— Nous n’avons pas le choix… Pense à nos créatures, pense à nos âmes…

Plus vite que prévu, la flotte des éléites atterrit sur Sicad. Miel alla à leur rencontre dans le célestoport du Sanctuaire. Pomiel débarqua en premier, suivit par une petite armée de puissances de la Milice des Croisés. Immense, son aura terrassa les élohim de Sicad. Miel n’eut d’autre choix que de ployer le genoux. 

— Je suis Pomiel, archange-roi de cette planète. Je viens à vous grâce à la Croisade du Primogène, à la recherche des mondes perdus depuis la Seconde Brisure. Soumettez-vous et vous aurez l’amnistie. 

— Ar…archange ? avait balbutié Miel. Quoi ?

— Par la volonté du Grand Architecte, j’ai été fait “archange”. C’est une nouvelle catégorie d’élohim voyez-vous. Bref. Cela signifie simplement que je suis souverain de cette planète. Il est inutile de résister. Mes Interracs ont déjà pris le contrôle de vos systèmes d’administration planétaires. Résistez, et Sicad s’effondre.

— Je suis le souverain de cette planète, avait clamé Miel. Je suis le prince-régent, et le roi est l’ange Wolsiel. Il a été nommé par le Grand Corsaire Chang’el en personne ! Comment osez-vous ?

— Par Chang’el hein ? avait soupiré Pomiel. Chang’el est un traitre azélite, et Wolsiel aussi. Livrez-le-moi, et je vous donnerait une chance de me servir. 

— Quoi ?! 

Wolsiel avait alors débarqué derrière la délégation des sicadiens, plus immense encore que Pomiel. Croulant sous le poids de ses blessures, el se hissa quand-même devant l’archange Pomiel et d’un rire rauque, prononça ces mots :

— Allons. Aujourd'hui est un jour de célébration. Sicad retrouve enfin le reste de la Création. Ses élohim retrouvent enfin leurs frères des Royaumes des Cieux. Ses âmes peuvent enfin reprendre leur chemin vers EL. Prenez ma vie si vous le devez, je me sacrifie volontiers pour votre paix, mais tenez votre promesse et sauvez celle de mes enfants. Els ne sont que les gardiens de Sicad. 

— Père ! Non !

La Milice des Croisés avait alors emporté Wolsiel dans le vaisseau de Pomiel. Miel s’était précipité à sa poursuite, son halo criant sa détresse dans tout le réseau de Sicad. Une marée de halos furieux surgit alors dans le célestoport. Les gardiens de Sicad vinrent à la rescousse de leur roi. Mais alors qu’un massacre était sur le point de commencer, Pomiel s’était alors élevé dans les airs, son aura d’archange s’étendant pour subjuguer la foule des élohim.

— STOP ! Ange Miel ! Soumets tes gardiens ! Nous avons gagné cette guerre il y a des millénaires déjà. Je ne souhaite plus voir ce que j’ai vu lors de la Seconde Brisure. Les élohim doivent être unis pour le Grand Dessein. Soumets-toi, et tu continueras à veiller sur ta belle Sicad. 

— Épargnez mon Père ! avait supplié Miel. Prenez-moi à sa place. 

— Wolsiel a trop péché, avait expliqué Pomiel. Le grand Architecte en personne réclame que son âme soit renvoyée au Berceau. La miséricorde de la résurrection lui sera accordée le jour où EL sera de nouveau complet. Accepte cette miséricorde. 

Le halo de Pomiel avait alors encore doublé de volume, soumettant par sa puissance tous els élohim présents. 

Ce jour-là, Pomiel prit la vie de Wolsiel, mais tint sa promesse. El prit les gardiens de Sicad sous son aile et ensemble, els firent prospérer la vie sur Sicad, permettant aux âmes de ses créatures de retrouver les Cieux. Mais Miel se fit el-même une promesse. Un jour, el vengerait son Père, un jour, el appliquerai la justice de Chang’el, et retrouverait son trône. 

— Miel, gémit Galia. Si Nukvah et Tsekali sont là, c’est que la dévastation est sur nous. Aucune vengeance ne vaut un tel sacrifice…

— Silence, souffla Miel. Les choses sont faites. Les ophanim sont endormis. Tu as joué ton rôle, pourquoi reculer ?

— Je.. je ne sais pas… tu m’as fait quelque chose Miel… tu m’as fait quelque chose… Si j’avais su je n’aurais pas… Mais… je savais.

Miel soupira. El attrapa Galia et soudain, posa sa main contre son front. Un éclair de panique traversa les yeux de Galia. Le vent se leva, manquant de renverser Miel. Mais trop tard. 

 — Dors, soupira Miel. Dans quelques minutes, tu auras tout oublié.

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