Chapitre 6

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L'arène située au pied du Sanctuaire de Sicad avait été bâtie il y a des millénaires et comme chaque année depuis la création, elle accueillait les célébrations du Nouvel An. La structure était un œuf immense, à l'intérieur duquel des millions d'élohim dansaient, chantaient et hurlaient en virevoltant dans les airs. Leurs halos multicolores tournoyaient autour du centre, formant comme souvent une galaxie féérique. Mais leur célébration s'étendait dans toute l'arène, car l'endroit avait été bâti par les trônes d'antan lors de l'âge d'or du Tikkun. Appliquant leur savoir, perdu il y a des millénaires, els avaient défié les lois de la gravité pour permettre aux élohim de marcher sur la paroi intérieure de l'œuf, ou bien de se laisser dériver vers le centre grâce à l'apesanteur. 

Une musique endiablée, hystérique mais étrangement mélodieuse résonnait, jouée par des milliers de principautés-musiciennes à l'unisson. Leurs instruments de cristal luisaient, envoyant des kaléidoscopes de couleurs hypnotiques sur les fêtards. Les vibrations de l'air qui portaient leurs mélodies entraient dans le réseau EL. La lumière des élohim les portaient aux oreilles de tous pour les faire entrer dans leurs cœurs. Els ressentaient alors une joie, une euphorie inégalable. Certains se mettaient à pleurer sous l'extase, d'autres hurlaient, volaient à toute vitesse sans pour autant provoquer le moindre incident. Car les esprits des élohim étaient tous unis dans le réseau, ouverts par la musique, qui entrainait aussi la danse. Les chorégraphies des principautés-danseuses étaient dictées par le rythme. Dans leurs costumes pailletés, els offraient un spectacle de grâce et d'adresse aux élohim, qui essayaient (souvent maladroitement) de reproduire leurs mouvements.

Parmi ce joyeux chaos, des délices d'ichor et d'ambroisie circulaient, régalant les papilles des fêtards. Le jus de grenade, qui coulait dans l'arène en rivière, comme des courants dans l'océan, abreuvait les élohim et envoyait leurs esprit dans la transe de l'ivresse, qui ne faisait qu'amplifier les effets de la musique. Lors d'une fête, cela ne posait pas de problème mais… si l'on devait évacuer… si l'on devait s'enfuir…

Nakirée, installé seul avec Hémoée sur la terrasse des command'ailes, observait d'une manière bien analytique la transe de ses semblables. El même en était coupé, abrité dans la bulle sensorielle qui protégeait la terrasse du chaos environnant. Hémoée aussi observait la fête, bien différente des célébrations qu'el avait connu au gynécée, avec les azohim et leurs enfants. Assis au sol, dans un coin, les regards de ses centaines d'yeux étaient hagards, incapables de trouver une cible fixe à analyser. Des larmes coulaient encore sur tout son corps. En voyant cela, Nakirée se leva et s'agenouilla auprès de son fils.

— Ça va ?

— Je... je sais pas, balbutia Hémoée. Je me sens bizarre. 

Nakirée abrita son fils sous ses deux paires d'ailes. Tous les yeux à l'intérieur se rivèrent sur l'adolescent alors que ceux à l'extérieur observaient la foule, prêts à réagir à la moindre perturbation. 

— La thaumaturgie tissée sur toi par Vélinel fonctionne bien ?

— Je suppose. Je me sens déconnecté, éteint.

— C'est normal, le but était de t'apaiser.

— Mais je pense toujours à ce que j'ai entendu père. Ce que cet ophana m'a dit tout là-haut… La horde… 

Nakirée s'efforça de rester serein. El aussi aurait pu bénéficier de la médecine calmante de Vélinel, mais el avait choisi de garder son esprit intact, sans influence. 

— Pomiel doit être averti, souffla Hémoée. Il faut évacuer. 

— El est déjà au courant. El a lancé les préparatifs. Mais il nous faut un enregistrement, une preuve solide.

— La nuit sans étoile, puis mon témoignage, cela ne suffit pas ? Oh par EL, si Vélinel ne m'avait pas anesthésié le netzach j'exploserais !

— L'évacuation est délicate. Pomiel doit choisir un itinéraire sauf où conduire son peuple. Et Miel dit avoir des informations contraires à celles de l'ophana. 

— C'est absurde ! Dis-lui ! Dis-lui ce que j'ai entendu !

— Vélinel nous l'a interdit. Même Pomiel ne veut pas.

Nakirée jeta un regard furtif à l'archange-roi. En effet, les chérubins père et fils n'étaient pas tout à fait seuls, car à quelques mètres d'eux se tenait l'archange Pomiel en personne, installé sur un trône de marbre et d'améthyste. Sa beauté rayonnait dans toute l'arène, attirant les regards des élohim qui s'approchaient un peu trop du souverain. Même Nakirée avait du mal à ne pas le regarder. Ses épaules étaient bien en arrière et son menton droit, dans une posture régale. Son long visage semblait sculpté dans l'albâtre et ne trahissait aucune émotion, aucune pensée. L'archange était seul, pas même entouré de ses plus proches conseillers, collaborateurs ou amis. De temps en temps, Pomiel lançait des regards à Nakirée et son fils. Hémoée recommençait à paniquer. 

— Pourquoi ? Pourquoi tous ces secrets ? Par EL, el ne me croit pas ? Appelle Miel ! Où est-el passé ?

— Silence, enfant, ordonna le souverain. Miel ne doit rien savoir de ce que cet ophana a vu. Je ne me répèterai pas.

— Nous te croyons Hémoée, rassura Nakirée. Mais les choses sont compliquées, ces fichus command'ailes...

— Silence ! s'agaça encore Pomiel.

— Votre Majesté, dit Nakirée en se redressant. Je pense que l'inquiétude de mon fils est raisonnable. 

— Souhaites-tu que je vous mette el et toi dans une navette et que je vous catapulte dans le cosmos ? Ainsi vous aurez votre évacuation. Quant à la navigation dans la nuit sans étoiles, ce sera à vous de vous débrouiller. 

— Laissez-moi vous dire le fond de ma pensée, archange, dit Nakirée. Certes une évacuation ne serait pas une solution parfaite, mais apprêter la population serait mieux que de permettre une telle fête. Après ce qu'a vu mon fils…

— Petit archéo-tech, coupa Pomiel. C'est ce cher Miel qui depuis le début refuse l'évacuation et qui a fait en sorte avec sa stupide vidéo de garder tout le monde ici. Tu n'as qu'à lui demander, à el et à ses petits camarades du commandement, pourquoi el a fait une telle chose. 

— Votre Majesté, soupira Nakirée. Vous m'interdisez de révéler à Miel l'arrivée de la horde aux portes de notre système, car c'est bien cela que mon fils a vu ! rappela t'el. Cependant, vous me demandez de déceler les informations que Miel garde pour el… Ces jeux de dupes sont indignes.

— Garder vos secrets tout en découvrant ceux des autres. N'est-ce pas là votre spécialité à vous, les Interracs ? s'amusa Pomiel. Après tout c'est pour ça que je t'ai fait venir ici, continua Pomiel. Comprendre les petites affaires de mes command'ailes…

Nakirée s'agita, réprimant un fort agacement. Les cœurs serrés par l'inquiétude et la frustration, le chérubin ne mâcha plus ses mots. 

— Les Interracs ont accepté officieusement que j'aide votre Majesté à déceler les technologies de vos command'ailes, corrigea le chérubin. Malheureusement, vous n'avez pas bien dissimulé cela, ce qui a attiré sur moi toute leur méfiance. Ainsi, je ne suis pas proche d'eux et je ne peux donc pas démêler leurs intrigues.

— Vous les Interracs avez un goût prononcé pour le mensonge et la traitrise, chuchota à peine Pomiel. C'est surement pourquoi tu es très proche de Miel, très proche. Demande donc à cet ange maudit ce qu'el mijote ou tais-toi à jamais.  

— Depuis quand Miel est-el le roi de Sicad ? 

Pomiel lança un regard assassin à Nakirée, agrippa les accoudoirs de son trône et se pencha en avant, prêt à se lever. Un éclair de panique foudroya le chérubin. Hémoée, toujours dans son coin, ouvrit grand la bouche. Mais soudain, Pomiel se ravisa et se rassit.

— Miel me déteste. El veut me faire dégager, dit l'archange. Mais je sais qu'el aime Sicad et mon peuple plus que tout. El ne mettrait pas en danger son œuvre ici. El veut rester ici malgré l'approche de la horde ? Accordé ! Si je lance l'évacuation, el retournera tout le monde contre moi. 

— Cessez vos jeux de dupes ! s'emporta Nakirée. Si nous sommes encore ici quand la horde tombera sur nous, s'en sera fini de Sicad et de votre peuple ! 

— Bur... Miel dit que la horde ne fera rien de tel. 

— Laissez Hémoée lui parler ! Lui révéler ce que l'ophana a vu !

— Non. 

— Votre Majesté !

— Pauvre chérubin, soupira Pomiel. Tu as déjà parlé à Miel. El a refusé de te révéler ses informations. Quelle trahison... 

— Quelles que soient les informations que possède Miel, elles sont fausses. Son optimisme est motivé par un mensonge qu'el croit sûrement. El se sent suffisamment en confiance pour tenter de vous…

— Et si c'était Hémoée qui se trompait ? proposa Pomiel. Si el mentait…

— Je ne peux vous laisser dire ça ! gémit Hémoée. L'ophana disait vrai !

— L'expertise conduite par Vélinel en ce moment même nous donnera raison, clama Nakirée. 

C'est alors la musique merveilleuse qui portait les élohim s'éleva dans une mélodie vive. Des trompettes joyeuses résonnèrent. 

— Lève-toi, enfant, gronda Pomiel en direction d'Hémoée. Miel et mes petits command'ailes arrivent. Je t'ordonne le silence. Si tu ne m'obéis pas, Vélinel viendra te fermer le clapet pour de bon. 

Nakirée soupira. El visualisa les visages des neuf command'ailes de Sicad, Miel inclus, et se remémora la mission que lui avait donné Kémirée. El devait tirer les vers du nez des command'ailes. El se redressa et se posta devant une table installée sur la terrasse, regorgeant de boissons. Hémoée se précipita à ses côtés. L'archéo-tech saisit une bouteille de jus de grenade, qu'el porta directement à sa bouche. Le gout acide de la boisson le fit grimacer. 

C'est parti…



Une lumière émergea du centre de l'arène, du cœur de la galaxie-fête. La clameur des élohim grandit, s'écrasant contre la bulle sensorielle qui abritait Nakirée, Hémoée et Pomiel. L'arène se colora de mauve et de rose et Miel émergea. Alors que l'ange s'élevait, un silence brusque tomba. La bulle sensorielle venait de vibrer sous l'ordre de Pomiel, trahit par le scintillement de son halo. El avait bloqué tous les cris de la foule, tous leurs chants d'adoration, pour qu'ils ne parviennent plus à ses royales oreilles. Nakirée aurait eu du mal à ne pas en rire si les circonstances avaient été normales. Ainsi, c'est en silence qu'el vit approcher son amant, qui eut du mal à avancer pour venir saluer son souverain, tant les anges-gardiens l'acclamaient. Après de longues minutes, Miel arriva enfin devant Pomiel et s'inclina devant el. L'ange récita son serment du soir. Pomiel regarda ses lèvres bouger en souriant. Alors Miel s'approcha encore et passa au travers de la bulle sensorielle. La face collée à celle du souverain, el répéta son serment en criant.

"Ô Grand Architecte des cieux éternels !

Je prête serment à ton fils, roi-POMIEL !

D'entretenir les âmes de son domaine !

Et servir sous ses ordres le Grand Dessein !"

— Ah ! Tais-toi ! s'agaça Pomiel.

— Il y a beaucoup de bruit ici, ria Miel. Je voulais être sûr que tu reçoive bien ma dévotion, qu'EL en soit témoin. 

Juste derrière, Joliel, command'aile des principautés de Sicad, arriva avec sa troupe de troubadours. Pomiel désactiva le silence de la bulle sensorielle et la clameur des élohim résonna brusquement. Au passage de Joliel, elle redevint assourdissante, sans pour autant égaler celle qu'els avaient adressée à Miel précédemment. La principauté fit une apparition de popstar. Vêtu d'un costume pailleté, el s'envola dans une mélodie enivrante, portée par les voix de ses suivants. Puis el fit à son tour le serment du soir, se prosternant avec révérence aux pieds de Pomiel. Miel arriva quand à el sur la terrasse. El se mit sur la pointe des pieds pour embrasser Nakirée, puis s'installa à sa droite, agrippant son bras.

— Oh ! s'exclama l'ange. Hémoée ? Ça va ? T'en fais une tête ! 

Hémoée ne dit rien, la mine pétrifiée.

— Que t'as fait Vélinel tout à l'heure ? El te voulait quoi ?

— Rien, dit Nakirée.

— Non ce n'était pas rien ! s'emporta Miel, courroucé. T'as vu la tête de ton fils ?

— J'ai fait une bêtise et Vélinel m'a réprimandé, dit alors Hémoée, les yeux baissés.

— Quoi ?! Pourquoi ? Qu'as-tu fait ?

Nakirée et Hémoée échangèrent un regard plein de tension. Le jeune chérubin avoua finalement :

— J'ai voulu voir ce qu'il se passait dans la nuit sans étoiles, alors j'ai utilisé une des valves du puits principal pour me propulser dans le cosmos. Les puissances m'ont évidemment repéré et els m'ont récupéré. 

— Oh Hémoée…

Un mensonge par omission. Une vérité quasi-totale parfaite pour tromper les sens d'un ange. Nakirée loua intérieurement l'intelligence de son fils. 

— Je suis désolé, dit Hémoée. 

— Tu as mis en danger les âmes du puits en faisant cela ! s'indigna Miel.

— Je sais…

Joliel arriva sur la terrasse. El embrassa Nakirée et Hémoée avant de s'accrocher au bras de Miel. Les deux command'ailes sautillèrent comme des enfants tout excités. Nakirée jaugea Joliel du regard. El était le meilleur ami de Miel mais n'avait pas de relation avec Nakirée. Ce dernier n'était pas friand des spectacles bruyants et hallucinogènes qu'el présentait aux élohim comme aux créatures d'EL. Lui soutirer des informations, si el en avait, serait difficile. Mais le chérubin usa de sa Clairvoyance et selon les principes Interracs, analysa le comportement du command'aile des principautés. Ses centaines d’yeux visitèrent les siens, son visage, sa bouche entrouverte et le scintillement de son halo vert et pailleté. Joliel avait l’air un peu halluciné et les regards qu’el lançait à Miel étaient comme hantés. Un animal devant les phares d’une voiture. Le processus Interracs commença à se dérouler dans l’esprit de Nakirée. Les mots se bousculèrent sur ses lèvres, pour sympathiser, convaincre. Joliel détourna le regard et fixa Miel qui parlait encore et encore, noyant les paroles de Nakirée. Le halo de l’ange brilla et son pouvoir de Présence captiva les convives de la terrasse.

C'est alors qu'une lumière mauve aveuglante inonda l'arène. Le halo de Pomiel venait se s'étendre comme une supernova. Tous les élohim se tournèrent vers le souverain, leurs millions de halos enfin concentrés sur la présence de leur roi. Assis sur son trône, l'archange posa ses mains sur ses accoudoirs dans un geste calme, assuré. El releva légèrement son menton et accepta la vénération du peuple de Sicad avec un léger sourire. Nakirée observa l'archange avec fascination. Sa grandeur, son ampleur, ne pouvait être égalé. Même Miel, que les sicadiens aimaient plus que tout, ne pouvait briller plus que le souverain. El était si petit face à el. Peu importait l'amour, la légitimité, l'héritage de Wolsiel. La bénédiction de l'archangélat, octroyée par le Grand Architecte exclusivement, n'avait pas d'égal. Elle avait propulsé Pomiel au sommet, renvoyant ses rivaux à ses pieds. 

— El ne vole même pas parmi le peuple comme nous le faisons tous ce soir, marmonna Miel.

— El maintien les traditions de Tiphéreth, répondit Nakirée. El garde le trône. 

— Les archanges ne sont pas des paires de fesses qui servent à chauffer leur trône, grogna brusquement Miel. Si Wolsi voyait cela…

Nakirée se tourna vers son amant, un peu atterré. 

— Ne blasphème pas mon amour…

Miel lui répondit par un regard cinglant. Hémoée quant à lui, toujours à la gauche de son père, garda profil bas. 

C'est alors qu'un grondement sourd fit trembler l'arène. Un son métallique remonta des profondeurs, porté par le roulement incessant des tambours. Le son se déforma, aigu puis grave, crissant, vibrant. Les élohim s'agitèrent et semblèrent perdre l'esprit alors qu'els commençaient à se percuter les uns contre les autres plus ou moins volontairement. Par groupes, els se mirent à former des vortex tournoyants. Els se portèrent, se jetèrent en hurlant. La violence les gagna sans abîmer leur joie. C'est alors que les puissances émergèrent, tout en armure. On aurait dit qu'el venait calmer les fêtards mais non, el les imitèrent. Garviel, chef des puissances, génér'aile de Sicad, émergea. Entouré par ses soldats, lances de lumière à la main, els traversa la foule en laissant exploser son rire guttural. El vola énergiquement malgré son énorme stature, portée par une immense paire d'ailes rouges. Comme les autres command'ailes, el vint saluer Pomiel.

En le voyant, Nakirée réalisa qu'el aurait dû contacter Garviel. El allait pouvoir lui parler dans quelques minutes, EL bénisse Vélinel, mais tard, si tard. Le génér'aile aussi avait rappelé ses soldats ici. Pourquoi ? Comment avait-el pût accepter un tel ordre en ces circonstances ? Garviel était à son tour à genoux devant Pomiel, son visage buriné éclairé par son halo de bronze. Nakirée s'apprêta à aller le saluer, mais au lieu de venir sur la terrasse, Garviel déguerpit avec son escorte dans un couloir. En le suivant dans le réseau EL, Nakirée le vit quitter l'arène. 

— El va où ? s'indigna Miel.

Nakirée haussa des épaules.

— Ça ne t'intrigue pas ? lui fit l'ange. 

— Si, si...

Derrière les puissances, ce fut au tour du command'aile des vertus de faire son entrée dans l'arène. El et ses associés restèrent silencieux, mais leurs halos scintillaient vivement traduisant les communications qu'els s'échangeaient dans le réseau EL. Leurs regards froids, analytiques, parcoururent la fête sans en absorber la moindre goutte d'euphorie. Alors que leur chef saluait Pomiel, les vertus s'envolèrent sur une autre terrasse et commencèrent à jouer aux échecs. En les voyant s'éloigner, Nakirée et Hémoée s'immobilisèrent, figés par l'anticipation. 

— Els sont bien calmes ce soir, constata Miel. 

— Els gardent leurs réflexions pour els, dit Nakirée. D'habitude els ne se gênent pas pour les vocaliser…

— Mmh, mmh, fit l'ange en lançant un regard interrogatif à Nakirée. 

Le command'aile des vertus rejoignit ses pairs sans rien dire. Nakirée le connaissait peu mais d'habitude, el était bien plus loquace. Savait-el quelque chose ? Les vertus étaient souvent sous les ordres des dominations. Peut-être travaillait-el avec Vélinel ce soir. 

— Coucou.

— Ah !

Nakirée se retourna, puis Hémoée, en poussant un cri juvénile. Miel éclata de rire.

— Vélinel !

La domination, premier ministre de Sicad, venait de surprendre les command'ailes en arrivant sans s'annoncer. Ces derniers avaient sursauté, puis s'étaient écartés, impressionnés. Vélinel était grand et avait un maintien noble, presque royal, rappelant celui de Pomiel. El portait une combinaison brune, à la mode de Guebourah, son royaume d'origine, supposait Nakirée. Sous un beau halo d'or, ses cheveux étaient coupés en un simple carré.

À chaque fois qu'el l'avait rencontré, Nakirée, malgré les centaines d'yeux qui parsemaient son corps, n'avait jamais vu Vélinel arriver. El était comme un fantôme, apparaissant et disparaissant à sa guise. La plupart des dominations étaient comme ça, en retrait, énigmatiques. Leur fonction principale était de lire entre les étoiles pour décerner les avenirs possibles. Els conseillaient ensuite les élohim, notamment les archanges, ces derniers les laissant souvent diriger plus ou moins directement leurs administrations à la lumière de leurs divinations. Ainsi, en tant que premier ministre, Vélinel s'assurait que les décisions éclairées de Pomiel soient exécutées. Miel lui lança un regard amusé, mais une certaine tension restait bloquée dans sa mâchoire, trahissant de nombreuses frustrations envers la domination. Cette dernière ne lui prêta pas attention. El se pencha à l'oreille de Nakirée, qui frissonna. 

— Une demi-heure, chuchota-t-el. Tiens-toi prêt. 

— Que dis-tu ? demanda Miel. Encore des cachotteries ? 

Vélinel sourit avant de porter son attention sur Hémoée. El passa sa grande main sur la tignasse ébouriffée du jeune chérubin, dont el était le parrain. Hémoée resta figé, intimidé. Aucune affection n'existait entre el et cette domination. C'était Pomiel qui avait forcé ce parrainage. Vélinel avait eut le privilège illégitime de nommer l'enfant. 

— Alors que je... lisais entre les étoiles... j'ai aperçu ce petit dans les cieux, ria Vélinel.

— Vous n'étiez pas en train de lire les étoiles, protesta le jeune chérubin. Les étoiles ont disparu !

— Eh bien, j'ai essayé, dit Vélinel. Tu peux comprendre cela, n'est-ce-pas ? Nous essayons tous de naviguer dans cette nuit sans étoiles à notre manière. 

Sans laisser le temps à quelqu'un de répondre, Vélinel s'éclipsa.

Au centre de l'arène, un command'aile supplémentaire émergea pour s'avancer devant l'archange-roi. Grand et fin, el arborait deux paires d'ailes vertes, couvertes d'yeux, tout comme le reste de son corps. Son halo de flammes bleues enveloppait son visage aux traits fins mais inhabituels. Nakirée avait déjà vu Luisiel par le passé, sans pouvoir échanger avec lui. À chaque fois, le command'aile avait eu une apparence différente. Mais el se transformait toujours presque totalement en créature, faisant preuve d'un talent incroyable pour le chimérisme, sans doute alimenté par l'affection du chérubin envers les êtres vivants de Sicad. 

Miel applaudit alors que le planétologue en chef s'approchait pour saluer Pomiel. Nakirée s'agita, très troublé. 

— Les ophanim ne sont pas là, dit-el d'un ton insidieux. 

— Els ne vont pas tarder, sourit Miel.

L'ange se tendit, comme si Nakirée venait d'insérer une épine dans son flan. 

— Els auraient dû entrer juste avant Luisiel, insista le chérubin. C'est ce qui se fait d'habitude. 

— Els sont juste en retard. Je suis certain que Soniquel va débarquer avec les éclaireurs juste avant minuit, histoire de créer un maximum de chaos. 

Luisiel fini son serment du soir et vint enfin sur la terrasse des command'ailes. Miel se leva pour lui faire une accolade. Le chérubin était large et très trapu, si bien qu'el était totalement courbé en avant, sa grosse tête protubérante précédant le reste de son corps lorsqu'el marchait. El tapota le dos de Miel en poussant un grognement attendrit. Puis el tira un fauteuil et s'assit face à Nakirée et Hémoée, dos à la fête, Miel à ses côtés. Hémoée resta un instant stupéfait face à l'apparence qu'avait choisi d'arborer Luisiel en ce soir de nouveau millénaire. La peau du chérubin était verte, couverte d'épines. Son visage était enveloppé dans de grands pétales roses. Des fleurs et des bourgeons poussaient sur ses bras, qu'el faisait tressauter dès qu'el parlait, emporté par une bonhomie rayonnante. Mais dans ses yeux, Nakirée perçut une grande fatigue. 

— Nakirée ! salua Luisiel tout sourire, d'une voix un peu nasillarde. Enchanté de te rencontrer ! Comment vas-tu ? Beaucoup de travail aujourd'hui mmh ?

— Oui, soupira Nakirée. Je suis ravi moi aussi de vous rencontrer enfin. 

— Je suis navré de ne pas encore avoir fait connaissance avec toi, Interracs, continua Luisiel. Je suis très absorbé par mon travail ! L'écosystème de Sicad ne se maintient pas tout seul malheureusement.

Miel avait souvent mentionné cela à Nakirée durant leurs longues conversations. Depuis la destruction de la planète lors de la Seconde Brisure, l'écosystème de Sicad nécessitait une intervention permanente des chérubins pour le maintenir habitable. Là était la mission du planétologue. El et ses équipes de chérubins avaient atterri ici, ne trouvant à la surface de la planète que des étendues de sable et de cendres. Même sans l'expertise des Interracs, els avaient dépoussiéré les anciennes machines de l'âge d'or du Tikkun et retrouvé tant bien que mal les sorts de thaumaturgie pour rétablir la nature et la vie. Els avaient redonné un champs magnétique à Sicad, recomposé son atmosphère, rétablit le cycle de l'eau. Et depuis l'argile, la boue, Luisiel et Miel avaient sculpté les nouvelles créatures qui accueillaient maintenant les fragments de l'âme d'EL, des microorganismes aux braves muffalos. En six mille ans, els avaient refait de Sicad une perle grouillante de vie et de lumière. Les deux élohim étaient très proches, unis dans leur mission millénaire. Ainsi, faire parler Luisiel sur les potentiels secrets de Miel serait là encore difficile.

— Nous avions notre déjeuner de prévu hier après-midi, rappela Miel. Mais Nakirée a été mobilisé, désolé pour ce contre-temps… 

— Miel ! Il n'y a rien à pardonner ! dit Luisiel en agitant ses mains, secouant le jardin qui poussait sur ses bras. Tout le monde a été mobilisé. Ce black-out est particulièrement vilain ! 

Nakirée se redressa. Enfin un haut command'aile qui prenait la situation au sérieux !

— Le problème sera résolu d'ici demain matin, dit Miel. En attendant, nous pouvons profiter de cette fête pour que vous fassiez connaissance.

— Le black-out perturbe beaucoup nos machines ! continua cependant Luisiel en rebondissant sur son siège. Nos ballons atmosphériques, nos pompes aquatiques, et puis les créatures sont perturbées ! C'est fou comme on dépend de ces maudits ophanim ! Où sont-els par EL ?

Miel se tourna vers son cher ami et tapa sa large épaule de son petit poing. 

— Je te l'ai dit enfin ! Els vont revenir ce soir ! Dans quelques minutes !

Luisiel soupira. El bougea un peu pour trouver son confort. El est mal à l'aise, observa Nakirée. Mal à l’aise et fatigué. Sait-el ce qui se trame ? Miel se tourna alors vers son amant et leva les sourcils pour l'intimer de prendre la parole. 

— J'aimerais vous aider, dit alors l'archéo-tech au planétologue. Que ce soit pour ce soir ou pour plus tard, je souhaite mettre toutes les connaissances des Interracs à votre disposition.

— Quand êtes-vous arrivé sur notre planète déjà ? demanda Luisiel à Nakirée, ignorant sa tirade amicale.

— Je suis arrivé ici il y a vingt et un ans.

— Oh, c'était hier ! ria Luisiel. Et pourquoi ?

— Pourquoi ?

— Pourquoi êtes-vous venu dans ce trou paumé ? 

Nakirée ricana, déstabilisé. 

— En accord avec Pomiel, Euthanatos m'a envoyé ici pour aider à comprendre et faire fonctionner les machines de Sicad. 

— Euthanatos en personne vous a envoyé ici ?! Le grand chef des Interracs ?! Ça alors…

Nakirée se pinça les lèvres. À ses côtés. Hémoée continuait de faire une tête sidérée. El échangea quelques regards avec son père, lui envoyant même une pensée via le réseau EL : "Tiens c'est vrai que c'est fou qu'Euthanatos el-même t'ait envoyé ici non ?"

— Et ce jeune-là, c'est votre fils ? demanda Luisiel. 

— Oui, répondit Nakirée.

— El vient d'Éden comme vous ?

— Oh non, el est né ici. El a seize ans.

Luisiel posa brusquement ses coudes sur la tablette devant el. Son corps végétal frémit. 

— Par EL ! Pomiel a autorisé cela ?

Miel haussa des épaules, arborant toujours son petit air malin. Luisiel éclata de rire. 

— Miel m'a prêté le ventre d'une de ses épouses-azoha, expliqua Nakirée. C'est ainsi qu'el m'a donné un fils. 

— Quel beau cadeau ! s'exclama Luisiel. Dis-moi, Hémoée, es-tu intéressé par la planétologie ? Ou bien veux-tu devenir un fichu Interracs, comme ton père ?

— Euh...balbutia Hémoée.

El regarda son père, puis Luisiel, puis les deux en même temps

— Je sais pas encore... Un peu les deux ?

— Ah ? fit Luisiel, pas convaincu. 

— Hémoée est encore très jeune, sourit Miel. El a beaucoup de choses à apprendre avant de choisir sa voie. Par la volonté d'EL, el pourrait être un Interracs spécialisé en planétologie ?

— Ce petit est un Sicadien, dit Luisiel. Sa loyauté sera à sa planète. El prendra donc toutes les connaissances stockées dans les grimoires de son père pour nous les donner à nous !

— Cela ne sera pas nécessaire, dit Nakirée. Les connaissances des Interracs sont ouvertes à tous. Les grimoires en eux-mêmes sont confidentiels mais je suis là pour vous enseigner leur contenu. 

Luisiel éclata de rire.

— Vous avez du culot Interracs !

— Pardon ? sourit Nakirée, cachant sa surprise.

— Non, non, je suis désolé de le dire devant toi Hémoée, mais ton père est un menteur doublé d'un voleur. Tu sais pourquoi el est venu sur Sicad ? La vraie raison ? 

Hémoée resta muet, tout intimidé et offensé à la fois. Nakirée el, retint son souffle. C'est Miel qui rétorqua :

— El est là pour nous aider ! Grincheux ! dit l'ange. El nous aide à comprendre nos technologies anciennes, les savoirs qu'on a perdus à cause de la seconde Brisure !

— Oh non ! El n'est pas là pour révéler des secrets, el est là pour en garder ! El garde une certaine chose ! Et je sais quoi ! J’en fais des cauchemars en ce moment !

— Tu as fini idiot ? s'emporta Miel. Nakirée est aussi un gardien, c'est vrai, mais comme nous non ? El protège les... des anciens lieux sacrés sur Sicad. Il n'y a rien de mal à ça ! Au contraire !

 Les cœurs de Nakirée se serrèrent. Décidément, son secret ne l'était pas tant que ça, secret. Il était logique que les command'ailes aient eut des doutes et des déductions. Els n'avaient cependant jamais interféré entre Nakirée et sa mission, jusqu'à maintenant...

— Je vous promets que je suis là pour aider, dit Nakirée. Rien d'autre. 

Luisiel secoua la tête, agitant de plus bel son feuillage. 

— Bah ! Je trouverai du temps pour toi et ton morveux, c'est certain, dit-el finalement. Dans deux ou trois ans peut-être. Vous verrez avec mon secrétaire. 

Miel ouvrit la bouche, mais soudain, un rugissement terrifiant engloutit l'arène. Un bref silence, puis une remontée des voix élohiennes annonça un chaos d'un nouveau genre. Un rugissement, encore, puis une énorme boule de feu émergea du centre de l'arène. Un dragon : long serpent ailé aux écailles de charbon, monta dans les hauteurs et tournoya. El cracha son feu sur les élohim. La clameur devint indescriptible, mêlant extase et horreur. 

— Oh par EL, le voilà celui-là, s'amusa Luisiel. Encore un menteur…

— El nous offre son spectacle pyrotechnique, comme toujours, plaisanta Miel. 

Le séraphin Burrhus, évêque de Sicad, venait d'arriver en dernier (comme il était coutume) à la fête du nouveau millénaire, dont el avait tant prêché l'importance ces derniers jours. El arborait sa fière forme apocalyptique, celle d'un serpent enflammé de plusieurs centaines de mètres de long, couvert d'yeux dorés. Ces dernier scrutaient toute l'arène, déchirant les âmes des élohim pour y éradiquer par le feu sacré la moindre trace de ténèbres. 

Après quelques minutes de spectacle, Burrhus se dirigea vers Pomiel. El aussi, tout immense qu'el soit, devait lui faire son serment du soir. 

"Ô Porteur de la Lumière d'EL

Je prête serment au sage roi-Pomiel

D'entretenir la Foi dans son domaine

Et servir sous ses ordres le Grand Dessein"

— Les prières collectives vont commencer, s'exclama Miel. 

— Il manque les ophanim, releva Nakirée.

— Els arrivent ! insista Miel. 

— Eh ! râla Luisiel. Qu'EL nous sauve de la transe et de l'ivresse, dit-el avant de prendre une rasade de jus de grenade. 

"El perd pas le nord le papi" ria Hémoée dans le réseau. "Demande-lui ce qu'el sait !"

Un bourdonnement envahit soudain l'arène. Un éclair foudroya Nakirée alors qu'el vit les ophanim s'élever depuis le centre de l'arène. Face à el, Miel hurla et se mit à sautiller, transit de bonheur. 

— Enfin ! Enfin !

Nakirée faillit se joindre à el, le prendre dans ses bras pour le supplier de pardonner ses doutes. Mais en quelques secondes, el se ravisa. Soniquel, command'ailes ophana, était absent. Et ces ophanim là, Nakirée ne les connaissait pas. Els étaient sombres, leurs halos striés de flammes orange. Les centaines d'yeux qui parsemaient leurs roues n'étaient pas familiers. Leurs iris étaient souvent dédoublés, voire triplés, leurs pupilles multiples. Ces designs, Nakirée les connaissait oui, mais pas de Sicad. Els venaient des royaumes supérieurs, au sommet de la Création, par-delà l'Abysse. 

— Les ophanim sont de retour ! criait Hémoée, mais en voyant la mine de son père, el se ravisa. 

— Ce sont les ophanim de Burrhus, soupira le chérubin. 

— Ah ? Et ?

— Ce ne sont pas ceux de Sicad, ceux qui ont disparu dans la nuit sans étoiles...

— Alors... nos ophanim ne sont pas rentrés ?

— Non...

— Peut-être vont els venir bientôt ? fit Hémoée, s'accrochant à l'espoir. 

L'évêque de Sicad redécolla pour aller voler parmi ses ophanim. Miel continuait de célébrer, comme si ces éclaireurs étaient bel et bien ceux qui avaient disparu. Le retour miraculeux. Un mensonge. Nakirée resta figé par l'écho du choc. Un de ses regards croisa celui de Luisiel, figé el aussi. Les flammes de son halo étaient aplaties par la peur. 

El non plus… Oh par EL…

Vélinel, le premier ministre re-débarqua alors sur la terrasse, les poings serrés. El bouscula Miel pour se pencher à la rambarde, le visage crispé par une rage froide. El appela Burrhus, qui rugissait encore.

— Où est Soniquel, séraphin !?

— En chemin ? sourit Burrhus, affichant les rangées de crocs dans son énorme gueule. 

— Tu t'es moqué de nous ! Tu nous avais annoncé le retour des ophanim ! Pas de tes jouets de collection venus de ta Kether !

Toujours assis sur son trône, Pomiel ne laissa rien paraitre, ni joie, ni inquiétude. Mais Nakirée, grâce à ses nombreux regards, capta celui du souverain durant la milliseconde où el scruta Vélinel, son premier ministre, en quête d'une vérité. 

— Les ophanim de Sicad sont ivres sans doute, rugit Burrhus. Quelque part en train de danser dans le cosmos. Il a été décidé à mon arrivée ici qu'els ne seraient pas sous mes ordres mais sous ceux des chérubins de Luisiel. Leur bêtise n'est donc pas de ma responsabilité. Mes ophanim cependant, mes précieuses sentinelles forgées dans la perfection de Kether, sont revenus de leur patrouille en temps et en heure. Els portent dans leurs regards de bonnes nouvelles. Notre archange les a vus déjà, n'est-ce pas, votre Majesté ?

— Montre-les nous donc ! ordonna Vélinel sans en avoir l'autorité.

— Unissez votre lumière à celle de mes ophanim ! chanta Burrhus.

Nakirée fit cela et vit les images d'un cosmos clair et intact, scintillant comme jamais. Depuis le bord du système stellaire, el vit les planètes qui orbitaient autour des soleils de Sicad paisiblement. Nakirée analysa la nature des images plus que leur contenu si parfait. Les images étaient bien réelles. Les étoiles et les astres étaient à la bonne place. Même la datation présente dans les métadonnées était correcte. Mais les yeux de Nakirée captèrent de petits artefacts, indétectables aux yeux pourtant très clairvoyants de la plupart des chérubins. 

— Els ont manipulé les images, murmura Nakirée malgré lui.

Les autres command'ailes, trop distraits par les belles images de Burrhus, ne prêtèrent pas attention aux paroles de Nakirée. Mais Vélinel, aux sens aiguisés, l'entendit. Burrhus aussi, grâce à la Clairvoyance. Mais l'évêque, scruté par Pomiel, ne put réagir. Vélinel ne s'embarrassa pas. El fit volte face et saisit Nakirée et Hémoée par leurs manteaux pour les entrainer vers les vomitoires de l'arène.

— Où allez-vous ? demanda Miel d'un air innocent, son véritable sentiment trahit par ses sourcils crispés. Vous ne pouvez manquer les prières. Burrhus vous grondera si…

— J'ai besoin d'eux pour réparer mon imprimante, coupa Vélinel. C'est urgent. Allez, venez. 

Nakirée lança un regard nonchalant à Miel, dans l'espoir de calmer ses suspicions. El et son fils suivirent la domination dans les couloirs de l'arène. La clameur de la fête s'estompa peu à peu, bien lentement, car sa force avait redoublé. Tous les élohim de Sicad avaient maintenant vu les images de Burrhus et étaient emportés par la joie. 

Nakirée récita :

"Ô Psychopompe

Je prête serment à ton fils Euthanatos

De découvrir les mystères du domaine où el m'a placé

Et servir sous ses ordres le Grand Dessein"

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