Flottant dans un univers gris, Michaël bougea au ralenti. Devant el, le "miroir" qu’el venait de traverser, à même le corps de Raphaël, laissait entrevoir la frénésie des élohim, comme une fenêtre sur la réalité.
— Wooow
Michaël regarda autour d'el. Des milliers d'images floues dansaient. Le jeune prince se sentit tomber, déploya ses ailes, mais quelqu'un le saisit sous les bras. Dans un choc plein de résonances, ses pieds touchèrent le sol, ou du moins, un sol invisible. La vertu resta choquée un bon moment, alors qu’à ses côtés, un éloha aux cheveux et au yeux sombres l'observait, un sourire amusé aux lèvres. El avait trois paires d’ailes brunes et un halo de bronze. C’était donc une domination. El était enveloppé d'une combinaison rouge de la tête aux pieds. Quelque chose chez el clochait, mais Michaël ne sut dire quoi.
— Où suis-je ?! demanda à la place le jeune prince, halluciné.
— Dans le Reflet, dit la domination.
— Hein ?
L'esprit de Michaël se remit à tourner à toute vitesse.
— Le Reflet, genre dans un miroir ? Comme le Palais des Miroirs à Yesod ?
— Non. Nous sommes dans le Reflet de la Création. Attends un peu et tu verras.
La domination posa deux doigts sur le front de Michaël, qui battit des paupières, aussi confus qu'effrayé. Mais peu à peu, le flou disparu. Autour d'el, Michaël vit les immenses gradins, la pelouse et au-dessus, le plafond ouvert par Raphaël. El était encore dans le stade. Cependant…
— Où… Où est passé tout le monde ?
Silence. Il n'y avait personne, du moins personne d'autre que Michaël et la domination. Pourtant, les dégâts de la lutte entre la jeune vertu et son mentor étaient bien présents. Des décombres tombaient encore du plafond. Des étincelles surgissaient d'entre des cristaux de communication brisés. Les gradins étaient saccagés.
— Nous sommes seuls ici, dit la domination. Pour le moment.
Halluciné, Michaël ne put bouger. Était-ce un rêve envoyé par Brenna ? Un mirage planté dans son esprit par Raphaël ? Ou avait-el simplement perdu les pédales si gravement que son esprit s'était plongé dans la folie ?
— Qui êtes-vous ? demanda Michaël.
♂ — Viens avec moi, ordonna la domination sans répondre à la question.
Les mots pressèrent contre la résolve de Michaël. Trop confus et apeuré, el décida de ne pas résister. Ou bien, non, quelque chose en el avait bougé en entendant cette voix. Elle toucha ses cœurs, les profondeurs de son âme, pour résonner dans un endroit de son être où Michaël n'avait jamais été. Cet endroit était fermé, secret, mais il bougeait, comme un monstre au fond d'un océan insondable, envoyant des ondes presque imperceptibles sur la surface de sa conscience.
Bouche bée, Michaël suivit donc la domination parmi les décombres. Le centre commercial était bel et bien là, abîmé, mais vide. L’atmosphère était diaphane, le temps comme suspendu. Où était passé tout le monde ? Les deux élohim déployèrent leurs ailes et sortirent du centre commercial pour rejoindre le célestoport attenant. Le tarmac se trouvait au sommet d'un bâtiment massif. Michaël émergea du puits qui y montait. Le vent souleva ses longs cheveux noirs. El frissona et observa les alentours. Au-delà du tarmac, Michaël put voir parfaitement l'étendue de Kokab, vide de toute vie.
— Par EL et les sept...
La capitale, ses palais et bâtiments de taille astronomique, orbitaient dans un silence absolu autour du Sanctuaire. Le vent du désert, chargé de sable et de tempêtes cosmiques, balayait les avenues vides. La frénésie du trafic avait disparu et avec, les halos innombrables des élohim. Autour des superstructures, les rivières de mercure coulaient sans aucun éloha imprudent à emporter dans leurs torrents. Finit les chants des élohim, les jeux de société géants, les gilets-rouges et autres facéties des vertus. Kokab était toujours une galaxie, mais sans aucune étoile.
Très troublé, Michaël lança un regard paniqué à la domination, transi d'une crise existentielle imminente.
— Du calme, enfant céleste, fit l'inconnu. Suis-moi bien sagement et tout se passera comme prévu.
Soudain, une vibration intense secoua l'espace-temps depuis les cieux. Michaël souffla. La vie était de retour. Depuis les hauteurs, un grand vaisseau élohien descendait pour atterrir sur le tarmac. Il faisait quelques centaines de mètres de long. Son revêtement semblait fait de bronze sombre. Sa silhouette ressemblait un peu à celles des paquebots anciens que Michaël avait parfois vus à la cristalvision, naviguer sur le grand océan bleu de Netzach. Ils étaient toujours couverts de fleurs et de fresques peintes par les principautés. Mais ce vaisseau-là était réduit à son simple revêtement et ne portait aucun insigne, aucune bannière. Il se posa dans un grincement métallique et à l'arrière, un hangar s'ouvrit. La domination emmena Michaël à l'intérieur. Dans le large hangar, des vaisseaux plus petits étaient stockés, ainsi que de grosses caisses qui servaient à transporter tous types d'équipement. Une dizaine de puissances en armure rouge se mit au garde à vous au passage de la domination. Cette dernière les congédia et emmena Michaël vers le fond. Els entrèrent dans un puits de lumière pour rejoindre un pont supérieur.
L'intérieur du vaisseau était comme l'extérieur. Les murs et plafonds étaient faits d'un métal marron et le sol était couvert d'une moquette bordeaux. Les couloirs étaient ronds et bardés de petits miroirs en forme de hublots. Dans leurs "reflets", qui n'en étaient pas vraiment aux yeux de Michaël, des lumières floues passaient. Étaient-ils des fenêtres sur la réalité ? La jeune vertu lutta contre un vertige. El suivi la domination sans croiser personne. Au bout de quelques minutes, l'inconnu s'arrêta devant une porte ronde, qui s'ouvrit toute seule. À sa demande, Michaël entra et découvrit une chambre médicalisée. Les murs étaient toujours faits de bronze, le sol, bordeaux. Au centre, un lit-œuf trônait.
♂ — Allonge-toi, ordonna alors la domination.
Michaël ne put qu'obéir et s’allongea dans l'œuf. El gémit. Son esprit était emporté par d'autres vertiges douloureux. La porte s'ouvrit de nouveau. De nombreux pas feutrés rebondirent sur la moquette. Le regard confus de Michaël capta ceux d’autres élohim, qui s’affairèrent au-dessus d’el. Els étaient quatre ou cinq, avaient deux paires d’ailes et arboraient des halos de fer. Des vertus donc. Els étaient tous habillés de tuniques rouges à la texture plastique et tissaient sur le petit prince des filets de lumière. Les cœurs de Michaël ralentirent leurs battements. El ne sut comment, les thaumaturgies d’apaisement tissées par ces vertus de moyenne génération le calmèrent. El continua cependant d'observer. Autour d’el, les machines médicales vibraient doucement. Quelques minutes passèrent, durant lesquelles Michaël perdit un peu l'esprit.
Je suis dans un hôpital ? se demanda-t-el, oubliant déjà ce qui venait de lui arriver. El déglutit et sentit le goût mielleux et pétillant de son propre sang doré. El demanda où el se trouvait. On ne lui répondit pas. Les vertus finirent par s’éloigner, leurs longues tuniques de plastique rouge grinçant un peu. Els sortirent de la pièce non pas par la porte, mais par un miroir juste à côté.
Alors que tout son corps le suppliait de ne pas bouger, Michaël grimaça et se leva. La domination et les vertus avaient disparu. El s'approcha du miroir qu'els avaient emprunté. Il semblait normal. Michaël y voyait bien son propre reflet. Le jeune prince se plaqua contre sa surface sans parvenir à y entrer. Troublé, el murmura :
— C’est quoi cette sorcellerie ?
C’est alors qu’une silhouette apparut dans le reflet du miroir. Michaël sursauta, recula. La domination qui l’avait emmené ici était de retour. La vertu la contempla en silence. Quelque chose avait changé. L'inconnu avait un halo ! Michaël avait été si troublé qu'el ne s'était pas rendu compte que la domination n'en avait pas auparavant. Du moins, el l'avait caché sous une sorte de capuche. Le regard perçant de Michaël resta fixé sur son halo de métal, nimbé d’une lumière rouge.
— Tu m’as demandé qui je suis, sourit la domination en franchissant le miroir.
Michaël recula sans rien dire. El déglutit, analysa encore un peu l'inconnu… inconnu ?
— Non, finit-el par souffler. Je vous reconnais.
La domination se pencha sur le côté, intriguée.
— Vraiment ? Qui suis-je alors ?
— Vilanel, lut Michaël.
Comme la plupart des élohim, la domination affichait son patronyme dans la lumière de son halo.
— Oui mais, d'où me connais-tu donc ?
Un silence s’installa alors que vertu et domination se jaugeaient du regard. Michaël connaissait Vilanel, mais d'où ? El n'en avait aucune idée. La vertu secoua la tête, chassant la douloureuse confusion. La voyant lutter, la domination s'annonça :
— Je suis Vilanel de Guebourah. Nous nous sommes rencontrés au Pavillon de Guerre.
Le souffle de Michaël se coupa.
— Pourquoi m'avez-vous… Qu'est-ce que… ?
— À ton avis ? s’amusa la domination.
— Vous m'avez sauvé de Raphaël. Vous êtes venu me chercher ? Pour m'emmener à Guebourah ?
— Oui.
Michaël ouvrit grand les yeux. Vilanel vit son choc et demanda :
— Tu as changé d'avis ? Tu as déposé une demande d'affection pour Guebourah. C'est pourquoi nous sommes venus te chercher.
Michaël, bouche bée, comprit enfin.
— Et donc vous venez me chercher… comme ça ? Tranquille ? demanda Michaël, tout tremblant.
— Oui, cela fait plusieurs semaines que tu as accepté l'affectation mais tu n'as pas pu te rendre à Guebourah par toi-même. Étant donné que tu es une vertu de deuxième génération, nous trouvions dommage d’être privés ainsi de tes dons malgré ton engagement. Nous sommes donc venus pour… t'aider à nous rejoindre.
Michaël, les cœurs battants d'étonnement, ricana.
— Raphaël est au courant ? Je veux dire, c'est officiel ?
— Personne n'est au courant à part nous, et notre chorale diplimatique, Géhenna. C'est le commandant Sparda qui a ordonné qu'on vienne te chercher. Nous avons une affectation pour toi dans la Milice de Madim.
Michaël resta un instant bouche bée.
— Mais ! Vous ne pouvez pas venir me chercher comme ça ! Je suis rattaché à Ennead et à Raphaël sur ordre du Grand Architecte lui-même ! Si el apprend que vous m'avez détourné, sa colère sera fatale !
— Tu ne veux pas venir alors ?
— Si ! dit immédiatement Michaël, en réalisant juste après qu’el avait des choses à régler avant de partir. Gêné, el ajouta : je ne veux pas vous mettre en danger… Par EL, pourquoi tentez-vous une telle chose ?
— Nous avons besoin de toute l'aide que nous pouvons avoir, fit Vilanel très sérieusement. Si un éloha de deuxième génération, un fils du Grand Architecte, veut nous rejoindre, nous devons saisir cette opportunité.
Michaël soupira, secoua encore la tête.
— Alors, tu viens oui ou non ? insista Vilanel.
— C'est de la folie, murmura Michaël.
Le jeune prince tenta d'imaginer les conséquences de cette fuite. Pourquoi ces guébouréens étaient-els venus le chercher sans crainte ? Els désobéissaient au Grand Architecte, père de tous les anges, souverain des Cieux, qui avait décrété que Michaël appartiendrait à Ennead et Ennead seulement. Pour changer de chorale, Michael devait d’abord faire une demande formelle. En soustrayant Michael à Ennead, cette domination et son command’aile commettaient un acte de trahison. Els risquaient la mort. Et Michaël… Michaël risquait pire. Quel sort était réservé aux Fitzarch rebelles envers leur Saint Père ? La traque ? Le lavage de cerveau dans un Transept du Jugement ? Un retour sous le joug d'un horrible séraphin ? Michaël revit Raphaël, son visage déchiré de colère, puis les yeux d'or de Burrhus, brûlants de folie.
Il est trop tard, je me suis déjà rebellé. Si je reste à Hod, je serai déjà condamné de toute façon. Alors, autant essayer.
— Oui, soupira Michaël. Je viens. Mais…
— Tu es sûr ? coupa Vilanel. Guebourah n'est pas un lieu de villégiature où tu pourras échapper à l'autorité. Tu dois vraiment vouloir t'y engager, te battre contre les démons sortis de l'Abysse. Je t'ai observé et j’ai l’impression que tu cherches simplement à te venger de l’archange-prince Raphaël.
— Peu importe non ? lâcha Michael. Je n’ai plus ma place à Hod. Guebourah est le seul endroit où je veux vraiment aller. Je… je crois que j’ai une place là-bas. J'y serai utile.
— Mmh mmh, acquiesça Vilanel.
— Alors, c'est quoi votre plan ?
— Nous allons t'exfiltrer d'ici. Puis tu seras installé chez Sparda de Madim sous une fausse identité, le temps de trouver un accord avec le Grand Architecte.
Michaël lutta pour ne pas montrer son effroi.
— Donc, on va passer par… par ici ? Quel est cet endroit ? Cette dimension ?
— Nous sommes dans le Reflet de la Création.
Michaël fit les gros yeux. Sa grande nervosité, qu'el refusa d'afficher, s'exprima à travers un ton très agacé.
— C'est-à-dire ? s'énerva-t-el. Je n'ai jamais entendu parler d'un tel endroit ! Est-ce une illusion ? Un sort d'oniromancie ?
— Ce n'est que le Reflet de la Création. Une dimension parallèle en quelque sorte.
— Pourquoi il n'y a personne ?! Enfin, pourquoi vous circulez ici et pas les autres ?! Depuis quand cet endroit existe ? Les gens sont au courant ?! Moi je l'étais pas !
— Du calme, ordonna Vilanel, la mine agacée. Tu poses tant de questions. Je vais te donner quelques explications mais en échange je veux que tu t'apaises et que tu sois bien sage. Car je ne suis pas là pour te nuire.
— D'accord, ok, j'écoute, dit Michaël.
— Le Reflet de la Création est… le reflet de la Création, dit Vilanel. C'est simplement le reflet que tous les élohim voient dans les miroirs qui décorent leurs nids, devant lesquels ils s'admirent ou se refont une beauté. Mais ce qu’els ne savent pas c’est que la lumière qui est reflétée dans leurs miroirs rentre en réalité à l’intérieur pour tout reproduire. Le Reflet n'est pas qu'une image réfléchie sur une surface plate. C'est le Reflet de toute la Création, de ses royaumes, de ses espace-temps. Les miroirs sont des portes qui mènent dans un endroit bien réel.
Michaël battit des paupières, circonspect. Cette explication n’avait pas beaucoup de sens. Si la dimension reproduisait la réalité en parallèle, pourquoi n’y trouvait-on qu’une poignée d’élohim ? Comment certains parvenaient à entrer ?
— Seuls quelques initiés peuvent entrer et circuler ici, continua la domination. Ce secret, ce pouvoir, est un héritage ancien, qui remonte d'avant même la Première Brisure.
Michaël leva les bras dans un geste interrogatif.
— Qui ? Quoi ? Comment ?!
— L'Ordre-des-Astres et l'Oracle-entre-les-Étoiles sont à l'origine de cet endroit. C'est tout ce que je peux te dire.
Michaël resta silencieux un moment. Prit par une vive curiosité, el se retint de poser mille questions et n’opta que pour celles qui comptaient vraiment.
— Je vais quitter Hod via cette dimension n'est-ce pas ? finit par demander Michaël.
— Non, dit Vilanel.
L’enthousiasme de Michaël s'affaissa.
— Nous pouvons te cacher ici quelques heures, mais tu ne pourras pas quitter Hod dans le Reflet, dit Vilanel. Ce serait trop dangereux. Seuls les élohim les plus initiés peuvent faire cela.
— Des "initiés" ne pourraient pas m'emmener ?
— Non, dit Vilanel plus fermement.
— Pourquoi est-ce dangereux ? Il y a des démons dans cette dimension aussi ?!
— Cesse de poser tant de questions. Tu n'as pas à penser à cela. Je m'occupe d'organiser ton voyage.
— Ça va être compliqué de m'exfiltrer. Toutes les forces de l'ordre de Hod vont être à ma poursuite. Et puis je connais les mesures de sécurité qui existent. Personne ne peut sortir de Kokab ou de Hod sans être détecté par les ophanim…
♂ — Je. M’en. Occupe, répéta sèchement Vilanel.
Michaël recula et réprima un haut le cœur. La voix de Vilanel le secoua tout entier. Son cerveau, ses entrailles, son esprit déjà fragile se fissurèrent un peu plus. Comme Constantiel l'avait fait à Sicad, Vilanel venait d’utiliser son pouvoir de domination sur el d'une manière très ferme et puissante.
Michaël jura intérieurement. Pourquoi ne pouvait el pas contourner cette maudite thaumaturgie? Cette dernière était si tristement célèbre parmi le peuple élohien qu’elle avait donné son nom au chœur des dominations. Ces derniers s’appelaient à l’origine “divinations”, d’après le pouvoir qu’els avaient hérité de leur primordieu, l’Oracle-Entre-Les-Étoiles, de lire l’avenir à partir des évènements présents (ou quelque chose du genre, Michaël n’en savait pas beaucoup sur le sujet), à l’échelle individuelle et collective. Mais par un étrange miracle, cette compréhension totale des évènements et des psychés élohiennes avait permis aux “divinations” d’apprendre à contrôler la volonté des élohim, les dominant. Abusant souvent de ce pouvoir, els avaient été rebaptisés “dominations”.
En tout cas, ce que Michael savait c’est qu’en tant qu’éloha de deuxième génération, il était impossible pour une domination d’une génération plus éloignée d’EL de le dominer ainsi. Pourtant, comme Constantiel, Vilanel y parvenait. Les plumes de la jeune vertu se dressèrent sur tout son corps. El observa Vilanel les yeux remplis d’horreur. Qui était-el vraiment ?
— Si tu continues d’utiliser ta voix pour rien on est mal barrés ! s’énerva alors une autre voix désincarnée.
Michaël regarda tout autour pour voir où était le nouveau venu, en vain. Vilanel poussa un râle excédé et se précipita vers le miroir.
— Attendez ! cria le petit prince.
La domination se retourna et scruta Michaël avec agacement. La jeune vertu poussa un long soupir. El n’était pas sûr de pouvoir lui faire confiance, mais Vilanel était tout ce qu’el avait.
— Est-ce que… Est-ce que je pourrai parler à ma mère-azoha avant de partir ? demanda finalement Michaël, la gorge serrée.
Vilanel secoua la tête.
— Non mais je pourrai lui transmettre un message.
— Une petite entrevue via le Reflet, ou un appel via le réseau. Je vous en prie…
— On ne peut pas, c'est trop risqué. Si vous voulez quitter Hod, il faudra y renoncer.
Michaël grimaça, soudainement essoufflé, rattrapé par sa nervosité. Vilanel se retourna, s’approcha d'el et posa sa main sur l’épaule de la jeune vertu. El la poussa doucement, l’invitant à se rallonger dans son œuf. Sa coquille se referma et Michaël se retrouva enveloppé.
— Je dois savoir si elle va bien ! insista le jeune prince.
— Elle va bien, affirma Vilanel. Elle est au gynécée du sanctuaire-royal.
Une vague de soulagement calma Michaël. Mais Vilanel disait-el la vérité ? La domination avait tout intérêt à donner une réponse rassurante pour que rien ne retienne Michaël à Hod. Ce dernier ne put verbaliser ses doutes. Vilanel disparu dans son miroir, laissant son passager clandestin se reposer.
Quelques heures passèrent, durant lesquelles Michaël ne bougea pas de son lit. El garda un visage figé tandis que des larmes silencieuses coulaient sur ses tempes. La nervosité avait laissé place à une fatigue lourde de chagrin. El finit par s’endormir. Quand el émergea de nouveau, le poids de toute la Création s’abattit sur ses épaules. Michaël refusa de ployer dessous et se leva, seul. El trouva sa chambre bien petite, bien vide. Frustré, Michaël ouvrit la porte de sa chambre et se faufila à l'extérieur.